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Marc, piétinant, mangeait sa rage. Assia, assise, les jambes croisées, avait allumé mie cigarette, et narguait du regard les chasseurs ; elle engageait le commissaire à prendre note de l’étiquette de ses pantalons. Le flegme d’Annette qui les toisait, et la nargue de l’impudente cigarettière, les piquaient au vif. Ils prétendirent fouiller aussi le lit de la malade. Marc se mit devant, jurant qu’il ne le permettrait pas. Annette l’écarta de la main, disant :

— « Allons, messieurs, faites mon lit ! »

Et, s’appuyant sur sa belle-fille, les jambes raides, elle se dirigea tranquillement vers la table où le commissaire était assis, et fit le geste de prendre le téléphone. Il s’y opposa.

— « Fort bien », dit-elle, comme elle eût dit au portier d’hôtel. « Téléphonez donc à la Banque de l’Adige et de la Piave que Mme  Rivière voudrait causer avec le directeur Leone Zara ! »

L’autre, surpris, demanda :

— Le signore commendatore ? Et pourquoi faire ? »

— « J’aimerais, » dit-elle, « qu’il assistât à la visite. »

— « Vous le connaissez ? »

— « Demandez-le lui ! »

Les policiers, interloqués, se regardaient ; les deux qui avaient déjà empoigné le matelas, restaient sur place, et interrogeaient de l’œil leur chef. Le commissaire se décida, téléphona. Le visage confit qu’il étala, lorsqu’il ouït la voix d’or (c’est l’épithète appropriée) du Commendatore en personne, attestait l’importance qu’il attribuait au sire : chacun savait qu’il était un des piliers du régime ; si le génie, ou le poing, fait les « Duci », c’est l’Argent qui les maintient ; sans son appui, patatras ! Mais le sourire de dévotion obséquieuse qui lui fondait la face, se figea en une expression cons-