Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/411

Cette page n’a pas encore été corrigée

hommes et femmes, dans les milieux libéraux de France, d’Angleterre, de Belgique, s’en occupaient activement ; et Marc, qui se passionnait pour ces tentatives, avait imprudemment laissé entendre qu’il en savait plus qu’il ne disait. Buonamico ne lui demanda point de le dire ; spontanément, il lui confia, sous le sceau du secret, un autre plan d’évasion auquel il collaborait : car dans la fièvre de l’entreprise, on poursuivait parallèlement plusieurs projets. Marc, en échange, lui livra ce qu’il connaissait du sien. Il ne s’en était pas vanté à Assia, qui, du premier regard, avait jugé sans faveur Buonamico. Il eut une impression désagréable, lorsqu’il apprit, quelques semaines après, que les autorités de Lipari alertées avaient fait échouer son projet. Cherchant à contrôler des craintes sur lesquelles il n’aimait pas à s’expliquer avec lui-même, il hasarda, sans le nommer, quelques mots du plan de Buonamico à des personnalités bien informées, qui secouèrent la tête catégoriquement, en déclarant :

— « Rien de sérieux, là dedans ! »

Il s’était demandé s’il n’avait pas fourni au larron de bon argent pour de la monnaie fausse. Mais il existait entre antifascistes, également sincères, tant de mutuel dénigrement que Marc ne trouvait pas de raisons suffisantes pour souscrire aux jugements des uns contre les autres ; et rien ne l’autorisait à établir une raison entre l’échec fortuit du projet et une indiscrétion de Buonamico. Il évita, seulement, dès lors, de le rencontrer. Depuis, plus d’une année avait passé, quand Buonamico, à Lugano, le retrouva. Il témoigna d’une joie trop vive. Marc y répondit mal. Buonamico ne s’en troubla pas. Il célébrait la témérité de l’aviateur aux ailes cassées ; mais il disait très haut que c’était un acte enfantin de risquer sa vie pour répandre un peu de papier, et qu’à tant faire, il n’en coûtait pas davan-