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Le soleil avait fui de l’autre côté du Gothard. Ils l’y suivirent, à Lugano. Ils retrouvèrent, sous une treille en berceau qui enjambait un chemin creux, les bras levés vers les grappes inaccessibles, la bouche ouverte, comme pour les boire, George, qui riait. Elle se jeta dans leurs bras.

Elle avait rejoint son père, à un procès où il était cité comme témoin. Il s’agissait de cet aviateur italien fuoruscito, qui avait semé sur Milan des sacs de pamphlets antifascistes, et qui, au retour, s’était brisé les ailes contre le Gothard. Blessé, soigné, mais arrêté par le gouvernement fédéral, il comparaissait devant la cour de Bellinzona, pour infraction à la neutralité du territoire suisse. Les témoins à décharge n’avaient pas manqué ; il en était venu des principaux groupes de l’émigration, où il était connu et apprécié. Et l’on avait fait appel à Julien. Si chargé de tâches que fût celui-ci et, au fond du cœur, gémissant de toute heure de son temps arrachée à la science, il n’hésitait jamais, quand il fallait, à faire son devoir de citoyen du monde, et à apporter le poids de son autorité dans la balance où l’on pesait les opprimés, les révoltés contre les tyrans. « In tyrannos !… » le mot de Schiller, que ce