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— « Duce noir !… Tu seras vaincu. Nous le sommes tous, nous le serons tous, au bout du compte. Et c’est ce dénouement pressenti, dès le début de la tragédie, qui nous intéresse à ces vainqueurs : les Œdipe-Roi, les Coriolan et les Macbeth !… Un de plus !… Torche fumante, tu t’éteindras. Songe vivant, agite-toi, et meurs !… »

Marc n’éprouvait pour la torche romaine ni cet attrait, ni cette pitié, (qui eût été d’ailleurs pour elle le plus sanglant des affronts) : il eût voulu l’écraser sous ses pieds… {La haine aussi est quelquefois une forme de l’attrait : un bouclier pour s’en défendre)… Ce que Marc voyait surtout dans la fresque, brossée par le Fa presto du ghetto vénitien, ce n’était pas l’homme à la mâchoire et à la trique, c’étaient ces dos, ces millions de dos courbés sous la trique, et qui se redressaient, après rossée, exaltés,.. Ces lâches jeunes hommes, (il n’en connaissait que trop, en France et autres lieux !) qui gémissent sur la faiblesse du temps, et soupirent après un Duce, ou un Führer, — un pied au cul ! S’ils aiment tant la force, qu’ils montrent donc la leur ! Compter sur celle d’un autre, lui déléguer par procuration la sienne, celle qu’on voudrait, celle qu’on ne peut pas, celle qu’on n’a point, — y a-t-il rien de plus abject ? Chiens couchants ! Chiens rampants ! Qu’on les fouaille !… Ce petit mâle avait (Qui sait ?) pour ces autres grands mâles qui règnent sur les troupeaux asservis, un sentiment de rivalité obscure et de révolte. Jamais il n’aurait pu se sacrifier pour un homme. C’était trop peu ! Il en avait mesuré l’aune. Et il avait l’abomination des : « Qualis artifex !… » Il lui fallait un plus haut objet de sacrifice : plus qu’un homme, — les peuples, ces masses mêmes humiliées et asservies, l’ensemble des hommes… Mais il ne parvenait pas à l’équilibre entre ces deux termes : servir