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était un des soutiens. Elle consacrait une grande partie de son actif et les dépôts de ses clients à des opérations intéressant le fascisme : une librairie du parti, et l’organisation dispendieuse de la propagande du livre italien à l’étranger. Elle faisait plus, — mais Leone Zara, pudique, effleura seulement le sujet : — elle subventionnait largement des personnages, dont la fidélité au parti était de prix — (Zara clignait de l’œil, malicieux ) : — on s’arrangeait pour donner à toute leur gens un travail généreusement rétribué : la susceptibilité chatouilleuse des personnages, ainsi, était sauve. Zara s’étendit plus complaisamment sur des expéditions à la fois politiques, commerciales et scientifiques, en Asie centrale, que les fonds de sa banque entretenaient. Homme fin et instruit, de vieille race cultivée, de manières courtoises, — (Annette faisait la comparaison avec son rustre du Périgord), — il avait le goût de l’art et des choses de l’esprit. Il avait aussi celui de la collection psychologique, des types humains ; et pour lui-même, il avait son musée secret des anomalies, des âmes anormales, que les troubles du temps avaient formées ou déformées, des superhommes ou de ceux qui sont au-dessous de la cote. Il était fier de ses « monstres » : le mot, pour lui, n’avait rien de désobligeant ; c’était le jet brûlant de la nature, qui s’essaie, souvent en manquant son but, ou passant outre, à un type nouveau… peut-être, l’amorce d’une espèce. Il ne cachait pas qu’il en avait un spécimen de choix, dans la personne de celui-là même qui le tenait en laisse : le Duce… Ils se tenaient mutuellement : l’Argent, le Poing. Et tous les deux, de dures têtes, l’une de Rome, l’autre de Tyr et de Saint-Marc…

Il fit du maître un vif portrait. Il en parlait sans ménagements, avec attrait, comme dans sa loge un spec-