Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/394

Cette page n’a pas encore été corrigée


Annette cheminait, à mi-côte, dans la forêt. Les arbres noirs étaient mêlés aux hêtres, à demi-dépouillés, qui commençaient à refaire leur plumage de printemps. Et tous ensemble, agrippés aux pentes raides de la montagne, semblaient une armée qui se lance à l’assaut. On entendait au loin, en haut, les coups de hache des bûcherons et le fracas d’arbres abattus. Le sentier, suspendu au flanc des monts, se déroulait en un long anneau, que çà et là coupaient un jeune torrent chevauché d’un pont de fortune, sans rampe, grossièrement taillé, hasardeux — et quelque « râpe », — un sillon abrupt et pierreux utilisé pour le dévalage des billes de bois coupé. Rien ne l’indiquait pour les étrangers qu’une pancarte en allemand, que le vent avait abattue et que l’insouciance du pays n’avait pas remise en place, tous les natifs étant avertis.

Annette l’était, par son expérience de la montagne. Mais devant elle, une famille de promeneurs ne l’était pas. Le père, la mère, assis à quelques pas de la râpe, qui formait à cet endroit un coude, paisiblement contemplaient leurs deux enfants et la gouvernante, qui cueillaient les premières violettes. La petite fille