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— « Ce n’est pas assez, mon Marc et son Marcassin !

— « Non, car les jeunes partent en chasse et laissent Annette, comme aujourd’hui, au bas de la côte. »

— « La pauvre Annette ! Elle attendra… Courez, mes petits ! Chacun son tour ! »

Il lui mit sa main sur l’épaule.

— « Annette ! » fit-il sans réfléchir ; et aussitôt, confus : « Pardon ! maman !… »

Mais elle riait :

— « Cela me plaît ainsi. Tu es devenu le père de famille. »

Il hésita, troublé. Puis :

— « Annette, soit !… Je ne trouve point juste que la vie s’arrête au seuil des enfants. Quand elle est encore pleine de sève comme la tienne, c’est un crime de l’étouffer. Je me fais l’effet d’un meurtrier. Dans la nature, quand les petits savent voler, les père et mère reprennent le cours de leur voyage. Tu n’es point faite pour être attachée au foyer d’un autre. Mon foyer est tien. Mais aie ton foyer ! Et qu’il soit mien ! Laisse-moi t’aider à te rebâtir ta vie indépendante ! »

— « L’indépendance ne risque point de me manquer jamais. Mon cher garçon, je n’ai besoin de personne pour la prendre. J’ai bien plus besoin d’un être qui me la prenne. »

— « Je ne te l’ai pas fait dire ! Tu aimes encore… »

— « Toi », dit Annette, détournant la tête.

— « Ô la menteuse ! »

— « Je mens, moi ? » fit Annette impétueusement, serrant entre ses deux mains les joues de son fils.

— « Mais oui, tu m’aimes, c’est entendu ! Alors, pourquoi ne me confies-tu pas tout ? »