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garçon… Tu ne peux savoir… C’est de Bruno que tu veux parler ? »

— « Et de qui d’autre ? »

— « Non, tu ne sais pas… Même si je songeais à me marier, ce n’est pas Bruno que j’épouserais. »

— « Ne l’aimes-tu pas ? »

— « Même si je l’aime. »

— « Je ne comprends pas. »

— « Ne comprends pas ! Laisse-moi au moins ce coin de secret ! On ne vit pas sans un peu d’ombre. »

Marc se tut. Il avait compris. Annette vit qu’il allait encore parler. Elle lui ferma la bouche avec sa main :

— « Tais-toi, mon petit ! »

Il insistait :

— « Epouse l’autre ! »

— « Non, je ne veux pas. »

— « Pourquoi ? »

— « Je ne peux pas… Laissons cela ! C’est ridicule… Une vieille femme… »

— « Tu es aussi jeune — tu es beaucoup plus jeune que moi. »

— « J’ai été. Mon temps est passé. »

— « Ce n’est pas vrai. Il y a des cœurs qui sont usés, à vingt ans. Pour le tien, la vie est toujours nouvelle. Tu te remets en route, chaque matin. »

— « Oh non ! Oh non !… Je ne veux pas être la Juive-errante, qui marche toute l’éternité… Assez trimé ! Assez aimé ! »

— « Tu ne veux plus de nous ? »

— « Je ne veux plus que vous. Je n’ai plus droit qu’à mes enfants. »

— « Ce n’est pas assez. »