Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/387

Cette page n’a pas encore été corrigée

devenus égaux et compagnons. Elle ne s’étonnait pas de cette fraternité. Mais Marc, se taisant, semblait gêné ; et Annette le fut aussi : car elle sentit qu’il allait toucher à quelque secret. D’elle ou de lui ? Un léger tremblement intérieur l’avertit que c’était d’elle, quand le grand fils, lui posant la main sur la main, dit, hésitant d’abord, puis tranquille :

— « Maman, pourquoi ne l’épouses-tu pas ? »

Elle fut foudroyée. Elle ne se fût jamais attendue à ce secret dévoilé… Quoi ? Quel secret ? C’en était un, pour elle-même. Qu’une telle pensée, étouffée, qu’elle croyait morte, eût pu affleurer au bord de son regard, qu’on l’y ait lue, l’atterra. Elle baissa la tête, écrasée. Elle eût voulu se cacher la face dans ses mains. Mais elle ne pouvait faire un mouvement. Marc, la regardant, vit son désarroi. Il la prit tendrement dans ses bras. Elle s’y blottit, cachant ses yeux, incapable de répondre un mot ; et son silence était un aveu. Qu’elle était jeune, et que sa confusion était touchante ! Marc lui dit :

— « Pardonne-moi !… »

Elle dit, sans relever la tête :

— « J’ai honte qu’on puisse lire de pareilles choses en moi ! Mais tu te trompes. »

Il voulut lui relever le front avec ses mains :

— « Regarde-moi ! »

Elle dit : — « Non ! » et replongea dans sa cachette. Il sourit, et dit, lui caressant la tête :

— « N’aie pas honte ! Quelle honte y a-t-il ? Il t’aime. Tu l’aimes. Et nous l’aimons. Il est digne de toi. Il vaut mieux que nous. »

Annette releva la tête et, rougissante, mais raffermie, le regarda en face :

— « Qui veux-tu dire ?… Tu ne sais pas, mon cher