tirer la corde. Sa pente naturelle était vers la jeunesse. Son esprit n’en était pas dupe…
— « Je sais, je sais… Mais je ferme les yeux… Je m’évade… »
Elle ne cherchait pas trop à lire ce qu’elle rêvait, les yeux ouverts, dans le chant d’or des abeilles qui suçaient la gentiane et le genêt.
Mais un autre lut, sans demander la permission. Marc s’inquiétait de ce que sa mère était devenue. Il redescendit, laissant les autres poursuivre leur course. Elle ne l’entendit pas approcher. Il s’arrêta pour la regarder. Il la prenait au dépourvu. Elle lui livrait une Annette inattendue, — une femme que pourtant il reconnaissait, dans le halo du souvenir… Il l’avait vue avec ses yeux d’enfant, quand elle avait l’âge qu’il avait aujourd’hui… Ce ne fut que l’image d’un instant : la rêveuse fut avertie par ses antennes, tourna la tête, eut une surprise de joie confuse, et, d’un trait, comme l’hirondelle, redescendit dans l’aujourd’hui. Il retrouva la mère de Marc. Il s’assit près d’elle, et ils causèrent affectueusement. Mais il n’oubliait pas ce qu’il avait vu dans ces yeux clairs et sur cette bouche entr’ouverte : ce rêve naïf et ce désir de renouveau. Et Annette, confusément avertie qu’elle avait été vue, comme une baigneuse dans le ruisseau, ne protestait pas, tendre et honteuse : (le mal était fait !) ; elle avait l’air de s’excuser :
— « Vilain garçon, ne regarde plus !… Tu m’as vue… Pardon ! »
Ils s’entretenaient de divers objets familiers, qui ne touchaient point au fond de leur pensée. Mais, à leur insu, entre les deux qui causaient, les rapports étaient intervertis. Elle était plus jeune, et lui plus âgé. Il se faisait comme un échange de leurs années, qui rétablissait la balance des comptes. Ils se sentaient