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Cette prière émouvante, que nulle oreille n’entendit, — il eut alors le choc halluciné qu’elle venait d’être enregistrée. Contrat conclu !… Son cœur se serra. Mais courageusement, il accepta. S’il eût été habitué aux pratiques de la dévotion, il eût dit : « Ainsi soit-il ! »

Il était trop libre de superstitions et trop acharné à son auto-critique, pour pouvoir croire à un Destin, à une Puissance inconnaissable, avec qui on s’entretient. Son intelligence rejetait dédaigneusement cette illusion. Mais la machine humaine n’obéit pas au seul levier de la raison. Marc avait pris depuis longtemps l’habitude (et en ces dernières années, l’habitude s’était développée dans l’épreuve) de ces plongées intérieures, où l’on se trouve seul en tête à tête avec les forces invisibles par qui la vie est commandée. Et la vie à son tour commande aux forces, elle leur dicte la réponse qu’elle attend d’elles, et elle les oriente sur la voie où elles doivent ensuite l’entraîner. C’est le même être qui fait la demande et la réplique, il fait son destin. Le destin vient à ceux qui vont au-devant de lui. Nul ne voyait — que Bruno peut-être — le destin au-devant de qui marchait le jeune somnambule.