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tout quand on s’entend à la diriger. Puisque la mode actuelle est aux Internationales, il n’en sera pas seulement des révoltés ; les gens de l’ordre, les étrangleurs, auront la leur ! Même quand ils ne s’entendent pas entre eux, ils s’entendront contre l’ennemi commun. Entre gens d’honneur, on ne se refuse pas ces petits services ; c’est un prêté pour un rendu. Dans ces conditions, la chasse est un plaisir peu fatigant. Il suffit de s’asseoir à l’affût et d’attendre que l’on vous rabatte le gibier. — Dès cet instant, Marc Rivière fut marqué. On ne se pressa point, on l’observait. Il ne perdrait rien pour attendre !…

Ni lui, ni ceux qui l’entouraient ne connaissaient suffisamment le danger. Ils savaient bien que le danger existait. Mais ils ne le voyaient pas proche et précis. C’était pour eux une nuée vague, à l’horizon : on aurait le temps de se garer ! La noblesse morale de Julien Davy et du comte Chiarenza gênait leur vue, pourtant avertie. Et quant à Assia, l’ardeur au jeu, l’emportement de l’action, lui faisaient oublier un peu trop les risques de son partenaire. Annette, hantée par la fin de Timon, était la seule à concevoir des inquiétudes ; mais elles étaient intermittentes et confuses. Elle ne s’aventurait pas à en parler, sachant qu’on n’en tiendrait aucun compte et qu’on raillerait sa pusillanimité. Marc et Assia ne la tenaient d’ailleurs que très incomplètement au courant des démarches risquées, auxquelles leur campagne les amenait ; elle n’en percevait qu’obscurément les menaces ; et elle était plus préoccupée de la santé de Marc, qu’il ne ménageait point, brûlé de fatigues et de passions, que des dangers du dehors ; elle eût voulu l’arracher à sa fiévreuse activité et l’obliger à quelques mois de repos. Mais ni lui ni Assia ne voulaient en entendre parler.