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L’implacabilité de leurs attaques leur attirait de périlleux alliés, dans les rangs mêmes de ceux qui ramaient sur la galère des proconsuls des hauts-fourneaux : les mécontents, les révoltés, — des ouvriers, des ingénieurs, — qui venaient dénoncer les secrets des honteux marchés, les criminelles livraisons d’engins de meurtre aux puissances étrangères, amies, ennemies, d’hier ou de demain : ( « Qu’importe, pourvu qu’ils paient ! » ) C’étaient parfois des adversaires d’opinion de Marc, des nationalistes, des patriotes, mais indignés par l’internationalisme scélérat de leurs requins des Comités industriels : ils livraient à Marc les documents de trahison. — Mais il pouvait aussi se glisser, parmi ces révoltés, des provocateurs, qui trahissaient, des deux côtés. Le terrain brûlait sous les pas, et tous les risques étaient mortels. Les proconsuls attaqués, minés, prenaient les devants. Ils ne pouvaient plus s’illusionner sur la possibilité de réduire l’adversaire par les moyens habituels de ruse, d’argent, de flatteries et de profits. Il fallait, un jour ou l’autre, l’éliminer. Et les moyens ne manquaient pas. Les plus discrets étaient les meilleurs. Mais on n’en excluait aucun. Il y avait la prison, à termes renouvelés, où, pour une imprudence de langage, promue au grade de lèse-patrie, on enterre les Marty. Il y avait les guet-apens d’émeutes fabriquées par la police, où l’on s’arrange pour faire choir les agitateurs maladroits. Il y avait, au besoin, le mauvais coup, la balle égarée, la canne plombée, dans les meetings, ou à leur porte, ou même (mon Dieu ! un malheur est si vite arrivé !…) dans une promenade solitaire, en quelque lieu retiré. Il n’était point nécessaire que l’ « accident » eût lieu sur le terrain de chasse réservé, sur sol français : le regrettable hasard pouvait se produire ici ou là, en tout pays ; la fatalité ne connaît pas de frontières, sur-