poing est suspendu sur l’Europe. Il touche déjà de sa main brûlante le poing, la griffe, l’ère terrible où le monde va entrer, quand s’ouvre l’écluse de la Révolution. Comment s’y résoudre sans angoisse ? — Bruno contemple avec sérénité ces cyclones, parce qu’il y voit une phase de la Nécessité qui mène les mondes, et que son esprit se contente de contempler. Mais Marc a pris sur lui, entière, la responsabilité de tout ce Destin, dès le moment qu’il a décidé d’y entrer. Et quoi qu’il arrive, il ne s’accorde plus le droit de s’y dérober. Les Thébaïdes sont une lâcheté.
Il était résolu maintenant à servir, à tous les postes où sa consigne de combat le placerait, l’armée des opprimés qui doit briser le vieux ordre d’injustice sociale. Les injustices nouvelles et les souffrances, que causerait fatalement le combat, il les savait inévitables, — donc nécessaires : — donc nécessaire était qu’il y participât ; il n’avait pas le droit de s’en laver les mains et de dire aux autres :
— « Salissez les vôtres ! Je n’y suis pour rien. »
Plutôt prendre sur soi leurs crimes, que renouveler le geste de Pilate ! Il lui fallait accepter sa part dans ces souffrances, non seulement subies, mais causées. Et ce lui était intolérable. Il n’en parlait à personne, même aux plus chers. C’est inutile : nul ne pouvait trancher pour lui, ni détourner de lui le poids de son destin. Il l’acceptait. Il n’essayait plus de discuter l’ordre. Il voyait venir, avec un serrement de cœur, mais décidé, l’heure de l’action, chargée de toutes ses écrasantes nécessités. Mais dans son cœur, il adressait à ce destin — cette sombre force qui vous entraîne, comme, dans la nuit, la rotation d’un monde — une supplication passionnée :
— « Qu’en le servant, à son poste de combat, il n’eût à verser de sang que le sien, qu’il n’ajoutât