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La Trinité a nom : Capitalisme. Pas d’autre alternative que de la détruire, ou d’accepter ! Le pacifisme de Genève est un traître à la paix réelle. Son vrai objet et son effet est d’engourdir les peuples inertes, afin de les livrer. La paix réelle veut que soient d’abord éliminés les maîtres de la guerre. Ils ne le seront qu’après l’assaut à leurs Bastilles. Celles de Russie sont déjà tombées. À quand les nôtres ? Sommes-nous prêts ?

Par toute la terre, les masses ouvrières, mieux averties que le reste du Peuple, grondent et s’agitent ; mais leur menace est encore inorganisée. Trop d’éléments de désunion, dont leurs ennemis savent jouer, s’emploient à neutraliser leurs énergies : l’inimitié mortelle des partis qui se réclament des mêmes principes socialistes et, comme des disputeurs Talmudistes, s’opposent injurieusement leurs commentaires des textes et leurs divergences de tactique ; les chefs sournois, suspects, bornés, entretiennent ces divisions, qui leur permettent de prolonger leur rôle avantageux d’entrepreneurs de la Révolution, sans risques qu’elle s’effectue, leur vie durant. Les masses elles-mêmes des prolétaires ne sont pas difficiles à capter par les grands patrons de l’usine de mort et d’oppression capitaliste : il n’est que de leur ouvrir, dans les périodes de chômage où des millions de travailleurs, par toute l’Europe, sont licenciés, de nouvelles fabriques d’engins de guerre et de produits industriels et chimiques à deux fins. Les plus révolutionnaires s’y précipitent et, par une sauvage ironie, ils contribuent à forger la mort qui balaiera leurs frères des autres nations, ou qui leur reviendra par choc en retour, avec le souffle empoisonné des engins que leurs maîtres de forges vendent sans scrupules aux nations ennemies. Et c’est à peine si la bourgeoisie, avertie de ces marchés de haute trahison, s’en indigne. Quand ces marchés font rentrer