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L’étemel refrain timoré, même dans les partis qui préparaient, théoriquement, la Révolution, les socialistes, les réformistes bourgeois…

— « Demain ! demain !… Demain, vous ferez la Révolution, quand nous, aînés, nous n’y serons plus… »

Et n’était-ce pas le dernier coup, la preuve par neuf de l’impuissance congénitale des intellectuels, que ces deux aînés, dont Marc aimait et respectait l’indépendance et le désintéressement, l’absolu mépris du danger, Julien et Bruno, ne fissent rien, ne voulussent rien faire pour se mêler à l’action nécessaire ! Rien que penser. Quelquefois dire. Au besoin, écrire, si on leur demandait leur opinion. Ils l’exposaient alors clairement. Mais ils se fussent gardés de l’imposer, — quand il se fût agi de sauver ceux-là mêmes qu’ils eussent dû contraindre. L’action sociale était lourde de chaînes, qu’ils ne se souciaient pas plus de porter que de faire porter. Ces libres esprits avaient désappris les obligations élémentaires du travail de la terre. Pour faire pousser le blé, il faut bien d’abord défricher, dépierrer, brûler les fourrés, et puis après peser dur sur le soc, et tracer le sillon droit, long et profond. Il ne suffit pas du « geste auguste du semeur !… » Il faut forcer, forcer la terre qui résiste, forcer les bœufs qui peinent sous le joug, forcer ses muscles, forcer son cœur !…