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celui de sa mère. Il avait l’air de la défier. Annette lui posa sur les bras ses deux mains, et elle sentit les muscles qui se raidissaient. Elle rit et dit :

— « Tu veux lutter ? »

Heureux de ce prétexte pour détourner sa pensée, il dégagea ses bras et empoigna ceux de sa mère, il les broyait affectueusement, comme dans des jeux de petit loup. Elle en cria. Elle avait mal. Elle avait bien. Elle se rendit, et elle dit :

— « Fort, mon garçon ! Une bonne pince ! »

Il la lâcha :

— « Oh ! je t’ai fait mal ?… »

— « Ce n’est rien… De bons étaux, que je lui ai donnés… Il est bien armé… Mais ce n’est rien, d’être bien armé et d’être fort !… Il faut connaître l’adversaire. Le connais-tu ? « 

Elle ne parlait déjà plus d’elle. Il ne comprit pas. Ils étaient presque front contre front. Elle toqua le front, doucement, contre celui de Marc, et répéta :

— « Le connais-tu, mon grand lutteur ? Le connais-tu bien, l’adversaire ? »

— « Qui ? » demanda-t-il. « Toi ? »

— « Moi, ou elle. Celle qui t’aime le plus, et que tu aimes… Es-tu bien prêt ? »

Il fut dérouté. Il avoua :

— « Je ne comprends pas. »

Il commençait à être inquiet.

Elle se redressa, elle lui prit le front entre ses mains, pour qu’il ne pût s’échapper ; et, le tenant attaché à ses yeux, elle changea de ton. Fini de rire ! Sans élever une note plus haut que l’autre, mais inflexible… ( « Je n’ai plus à te ménager… » )

— « Sois prêt !… Celle que tu aimes, qui t’aime le plus, l’heure viendra où elle te haïra, tu la haïras. C’est peu de la haine ! L’écœurement… Ta seule présence lui