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profond et allégeant lui fût révélé comme s’ils étaient le rachat convenu pour « libérer en soi la pure humanité. »

« La pure humanité rachète
Tous les crimes de l’humanité… »

C’était de la bouche de Bruno que Marc avait connu ces beaux vers et l’Iphigénie de Weimar, qui était, pour l’Oreste apaisé de Messine, une sœur préférée.

Et le problème de la violence, auquel Marc se heurtait, — cette violence inséparable du combat, et dont l’action, même la plus dépouillée de toute volonté de violence, comme le Satyagraha de Gandhi, n’arrive pas à se dégager : (car qu’est-ce autre chose que la violence, ce refus à toute coopération qui fait vivre, — cette machine pneumatique qui pompe la cloche et asphyxie ?) — cette cruauté que la nature inflige à chacun de nos gestes, à chacun de nos souffles, si nous voulons vivre, — était rendue plus respirable pour les poumons fiévreux de Marc par l’acceptation inattendue du vieux compagnon et par sa sereine ironie. Bruno évoquait, avec un sourire, qui n’était point dupe, les étranges idées de « service et compassion du prochain », qu’il avait cueillies parmi la poussière des neiges, sur les hauts plateaux d’Asie. La raison de l’homme, qui est en tous lieux le meilleur savon pour lui laver les mains, quand il s’y trouve des traces de boue, des traces de sang, avait su faire sa place au crime, dans la compassion que prêchaient ces pieux solitaires. Ils avaient cherché à se persuader que le meurtre, simple accident au cours des renaissances de l’homme assassiné, pouvait agir, en certains cas, à la façon d’un choc salutaire et l’aiguiller sur de meilleures voies. C’était donc une charité, qui évitait au