Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/333

Cette page n’a pas encore été corrigée

valeur vitale étaient pour lui ces énergies, et que, privé d’elles, il eût été plus faible et plus livré… Encore un des Mille-et-un-Contes du « Grand-Lama », comme l’irrévérencieuse Assia nommait Bruno : — la question du roi Milinda :

— « Le roi Milinda demande à Nagasena : — « Quel est, des deux, le plus grand pécheur : celui qui pèche sans savoir, ou celui qui pèche en sachant ? » — « Celui qui pèche sans savoir. Car de ceux qui prennent dans leurs mains une barre de métal ardent,… lequel est le plus brûlé ? Celui qui sait, ou celui qui ne sait pas ? Le plus brûlé est celui qui ne sait pas. »

Un vrai Français, un fils d’Annette, il sait discerner la barre ardente. C’est affaire à son intelligence de savoir la prendre et de savoir l’utiliser. Malheur aux « pauvres en esprit ! » Le royaume des cieux leur est promis. Mais, au nom des cieux, pour notre salut, que le royaume de la terre leur soit fermé ! « Simplicité (alias, sottise) est pire que crime », tranchait Assia. La sagesse slave, celle de l’Inde, celle de France, toutes les sagesses tombent d’accord : — « Ne sois pas un sot !… » Le bon sens des peuples, nulle part, n’est un sot.

Le long combat que Marc livrait, depuis des ans, contre ses monstres, dans le silence, sans en rendre compte aux plus intimes, se trouva facilité par la présence auprès de lui de l’aîné, qui les connaissait sans qu’on eût besoin d’en parler, et qui, leur flattant la crinière, les domptait sans cravache et sans bottes d’écuyer. L’accord du moi avec le monde — ( ce n’est rien encore !) — l’accord du moi avec le moi, que le comte Bruno avait réalisé, agissait, comme par osmose, sur la nature tourmentée de Marc. Même il semblait que de ses tourments et de ses renoncements le sens