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Le premier bienfait qu’il récolta de son contact avec le vieux Ulysse, fut l’apaisement que, sous ses doigts, l’âme inquiète sentit entrer, — et, goutte à goutte, la réconciliation avec soi-même. Il n’avait pas à confesser l’humiliation de ces combats qui se livraient en son corps et de ces intruses qui y campaient, cette tourbe de pensées indésirables, dont il n’était pas fier d’être le gîte. Les yeux à demi fermés de Bruno les avaient été chercher au nid et, sans avoir l’air d’y toucher, ils avaient pris les oiseaux effarouchés, au creux de son affectueuse ironie. Un jour que Marc se tourmentait, sans oser dire, de souvenirs ou de présences inavouables en sa pensée, Bruno, semblant n’avoir pas écouté radoter quelque vieux conte sans nul rapport avec l’homme anxieux à ses côtés, avait, souriant, dévidé une anecdote paradoxale de l’Inde. Il s’agissait d’un homme de bien qui était allé trouver un solitaire et l’avait prié de devenir son guide. Le sannyasin, après l’avoir scruté, lui demanda :

— « Mon fils, savez-vous mentir ? »

— « Que Dieu m’en garde ! » avait répondu le brave homme. « Mentir, je ne le saurai jamais. »