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Ils se revirent régulièrement. Les vieux amis avaient leurs heures d’entretiens, qui leur étaient strictement réservées. Bien que Julien eût fait la connaissance de Marc, de Vania et de Assia, et qu’en peu de temps il eût sa place dans la famille, il n’arriva jamais avec eux à se dégeler complètement ; il se guindait ; Assia l’intimidait, et même Vania : il ne savait pas parler avec un enfant. Seul, Marc lisait sous le front soucieux du savant, et il était avide d’y déchiffrer l’énigme de la pensée intrépide et sévère. Mais Julien craignait cette autre énigme : le regard inquisiteur de cette jeunesse, dont les préoccupations étrangères et l’âpreté et l’ironie lui échappaient, l’inquiétaient. Il se réfugiait auprès d’Annette, qui connaissait, aussi bien que lui, les faiblesses, et, mieux que lui, la grandeur de cette âme triste, de cette âme fière, sans qu’il eût besoin de l’expliquer. Même sans parler, il se libérait, à son approche, de sa charge d’âme accumulée, comme un fluide électrique. Annette n’en était point appesantie, mais équilibrée : cela complétait son chargement ; la flottaison du bâtiment n’en était que mieux assurée. Ainsi s’accomplissait, en se retrouvant, une loi secrète de leur nature. L’âge de l’amour était passé ; il s’agissait de plus (et de