ainsi qu’il avait perdu la chance d’avoir une communion intime avec sa fille, qui ne demandait qu’à se confier. En ces jours mêmes, elle eût eu joie à lui conter tout ce dont son cœur était bondé, toutes ses journées avec Annette. Mais allez donc dire votre joie à ce visage de bois, qui avait l’air, quand il pressentait que le nom d’Annette, ou son image allaient surgir de la bouche bavarde de sa fille, de se garer, avec une froideur hostile ! George avait beau savoir ce qu’il en fallait penser… Tant pis pour lui !… Elle se lassait, avec l’impatience de la jeunesse, et elle cherchait ailleurs où se déverser. Faute de réplique, elle se la donnait à elle-même :
— « À nous deux, ma fille ! Chauffons, chauffons ! J’en ai une engelure à la langue, de la frotter à ce glaçon… »
Et Julien trouvait, de semaine en semaine, d’autres prétextes pour ne pas se rendre à l’invitation d’Annette, sans que sa fille insistât…
— « Non, qu’il ne vienne pas ! S’il m’accompagnait, il me gâterait mon plaisir… »
Annette n’attendit pas sous l’orme, indéfiniment. Elle connaissait son Julien d’autrefois. Elle coiffa sa toque, un soir, et dit à George :
— « Je te raccompagne. Ton père est chez lui ? Je monte le voir. »
George se récria :
— « Qu’est-ce qu’il va dire ? »
— « Tu crois qu’il me mettra à la porte ? »
George riait :
— « Non ! Mais le pauvre vieux ! Sans le prévenir ! Il est capable d’en avoir une attaque. »
— « Si on le prévenait, il s’esquiverait, on ne mettrait jamais la main dessus ! »
— « Ah ! oui, vous connaissez le lapin !… »