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droite brusquerie, d’écarter le sujet. Ce fut heureux pour lui que Bruno, venant à son aide, le délivrât de sa tourmenteuse. Elle serrait les lèvres, pour ne pas rire ; elle était toute luisante de malice. Bruno les regardait tous les deux, devinait, riait dans son cœur, avait pitié du vieil enfant, tira doucement l’oreille à l’autre. — Il fut convenu que Mme Rivière serait invitée, non pas chez les Davy, mais à une conférence que Bruno devait faire, dans un meeting organisé à la salle des Sociétés Savantes.

Car il n’avait pu esquiver, ni son hôte lui épargner, l’obligation de prendre part à une soirée de protestation de la Ligue française antifasciste, dont le Comité directeur comptait Julien parmi ses vice-présidents. (Julien n’avait, selon son habitude, rien fait pour l’être, ni pour l’éviter.)

Ainsi fut fait. Mais à la conférence de Bruno, qui enchanta l’assistance par son éloquence simple et directe, dressant le réquisitoire implacable des tyrans, avec la sérénité dans les yeux et la malice au coin des lèvres, Annette ne parut point. Elle était grippée, et elle resta au coin de son feu. Elle n’avait pas lu les journaux, depuis une ou deux semaines. (Même les femmes qui se désintéressent le moins de la société ont rarement la constance de s’y intéresser avec continuité. Elles sont des attentions à éclipses. La vie de leur cœur les engouffre.) Elle ne savait rien de l’évasion et de la présence à Paris du comte Chiarenza. Et son fils et sa bru, qui n’avaient eu garde de manquer l’occasion de voir et d’entendre le « fuoruscito », à son meeting, ne songèrent pas à en informer Annette. Ils la voyaient peu et distraitement. Tout à la joie de s’être retrouvés, ils étaient comme des collégiens en vacances.

George fut désappointée. Elle avait en vain cherché