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rails — de la Basilicate. Et s’informant d’elle, il dit son nom de famille : « Madame Rivière ». George s’exclama, frappa des mains, et dit, imprudemment :

— « Annette ? »

Qui fut le plus étonné ? Bruno, ou bien Julien ? Comment eût-il imaginé que sa fille pouvait connaître celle dont il ne lui avait jamais parlé ? Il ne put cacher sa stupéfaction, et George rougit. Elle se mordit la langue. Trop tard !… « Eh bien donc, allons-y !… » Effrontément, paisiblement, la sainte-nitouche aux yeux brillants se tourna vers son père, et dit :

— « Tu la connais ! »

Et, riante, elle dit à Bruno :

— « C’était aussi la bonne amie à papa ! »

Elle ajouta :

— « Et je veux maintenant qu’elle soit la mienne. »

Julien était dans un trouble extrême, que le fin comte Bruno remarqua. Il fronçait les sourcils et, d’un regard sévère, tâchait d’imposer le silence à George. Mais ce n’était point pour l’arrêter. Elle pensait :

— « Il y a assez longtemps que je la guettais ! L’occasion passe. Je saute dessus. »

Et elle dit :

— « Invitons-la ! »

Julien se récria :

— « Qu’est-ce que c’est que ces folies ? »

— « C’est tout simple », dit George. « Il y a vingt ans que je veux la voir. Je la verrai, à la fin ! »

Du coup, Julien perdit la boussole. Il comprenait que sa fille savait tout. Il ne pouvait imaginer comment. (Jamais il n’osa le lui demander, même par la suite : tant ces souvenirs lui étaient sacrés ! Il n’aurait pu s’en entretenir avec personne. Que George en sût quelque chose, la seule pensée lui faisait mal.) Il se refusait à l’invitation, et s’efforçait, avec une mala-