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monde conservateur et catholique, craignant le scandale de livrer un de leur caste, dont ils savaient (et, dans le fond, ils respectaient) la scrupuleuse loyauté. On s’était contenté de mettre l’éteignoir sur les manifestations « défaitistes », où la signature de Julien se compromit. Elles étaient rares et peu connues : car la censure y promenait ses ciseaux, et l’ « alma sdegnosa » de Julien répugnait à tout éclat. Son pessimisme trop lucide ne se faisait aucune illusion sur l’inutilité de son action isolée. Il lui suffisait d’avoir dit aux traîtres de sa confrérie : — « Non ! »

Ils se retrouvèrent, après la guerre, quelques-uns dans tous les pays, qui l’avaient dit. Naturellement, les mains se rapprochèrent ; et, sans qu’ils l’eussent cherché, la force des choses unit ces hommes en un front international de l’Esprit, qui, maintes fois, dut s’opposer aux monstrueux abus et aux forfaits, issus de la guerre et de la paix fétide — l’haleine du Tigre. Le plus illustre de ces hérétiques était Einstein, dont une des premières visites à Paris fut pour Julien Davy. Et il ne se passa pas beaucoup de temps jusqu’à ce que leurs rangs s’ouvrirent pour faire place au comte Chiarenza.

Mais il n’était pas pressé d’y entrer. Résolument, ; il restait en dehors de l’action du jour. Quand s’étaient produits en Italie les troubles communistes, puis fascistes, il ne s’en était point préoccupé, aussi longtemps que son activité et son œuvre sociale n’en avaient point été affectées. Il travaillait pour tous ceux qui souffrent — ( « Et qui ne souffre, an fond ?… » )… Que lui importaient les partis ? Il n’allait point chercher la politique. — Mais la politique vint le chercher. Le fascisme voulut s’ingérer dans son œuvre, se la soumettre et l’annexer. Il résista avec douceur et fermeté. Et pendant une période assez longue, ces hommes