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ternité n’avait rien d’équivoque. Cependant, il ne fut pas question de se revoir. Chacun avait sa vie remplie par ses devoirs. Il suffisait que l’on sût qu’on existait tous les deux. Ils échangeaient régulièrement des saluts brefs et fidèles du Premier Janvier. Annette, trop prise par ses tâches, — les soucis de sa triple et quadruple existence (la sienne et celle de ses enfants et petit-enfant ) — n’avait point le temps ni les moyens de suivre la carrière de son vieil ami italien. Elle ne savait pas que le nom du comte Chiarenza avait acquis un certain éclat ; et ce n’était pas lui qui l’eût fait savoir à Annette.

Le comte Bruno avait poursuivi son apostolat social ; mais, en même temps, l’ancienne veine de son esprit méditatif et érudit s’était rouverte, considérablement creusée et élargie. Les travaux même qu’il dirigeait en Basilicate, pour assécher et irriguer les terres et les eaux infectées, l’avaient amené à des découvertes archéologiques, qui réveillèrent le démon de la science et rompirent le sceau du silence, depuis douze ans posé sur sa langue. Il publia quelques brochures d’abord, puis des livres, où s’ajoutaient à son haut savoir d’helléniste les nouvelles acquisitions de son intelligence dans le domaine orientaliste. Et bien qu’avec une aristocratique discrétion, il tînt sa personne à l’écart de ses recherches scientifiques, nul sachant lire qui ne perçût dans l’objectivité de ces tableaux la profondeur d’un esprit original et solitaire, et l’harmonie d’une pensée et d’un style méditerranéens. Les honneurs vinrent le chercher. Des Académies de l’étranger, dont celle des Inscriptions à Paris, l’élurent parmi leurs membres correspondants. Julien Davy, qui, par des voies bien différentes, s’était acheminé vers l’indologie, fut des premiers à pénétrer la grandeur neuve et antique de cet esprit ; il entra en