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De toute cette vie au vaste vol, qui avait embrassé ces paysages divers, les jardins d’orangers de Messine, le Dionysos à la fièvre dans le miroitement des marais, les poussières de neige sur les hauts plateaux du Thibet, et tant de cimes, et tant d’abîmes, le comte Bruno ne laissa voir à sa confidente d’une nuit qu’un fugitif panorama. Mais les grandes lignes en étaient comme gravées au burin ; elles s’imprimèrent dans l’esprit d’Annette. Avec sa vive intuition, elle pénétra au cœur caché de cette tragique sérénité. Elle ne la comprit pas. Elle la toucha avec ses doigts. Elle ne chercha pas à interroger davantage son compagnon. Il avait parlé, sans qu’elle le questionnât. Sans qu’il la questionnât, elle parla, elle se raconta à son tour. Ce fut un élan spontané, en remerciement de ce qu’il lui avait confié.

Quand ils remontèrent dans le train, ils étaient de vieux amis. Bruno veilla sur la blessée, qui était encore un peu fiévreuse de sa pneumonie grippale, mal guérie ; et bien que son propre chemin dût s’écarter de celui d’Annette, il ne la quitta pas qu’il ne l’eût, après une nuit passée ensemble à Naples, installée avec des soins affectueux dans le grand train qui devait la ramener à Paris. Tout avait été simple entre eux, leur fra-