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— « Que je lui mente, moi ? Non, ça, jamais ! »

— « Ce n’est pas mentir que lui épargner des tourments inutiles. Livre tes combats, seule ! Après, tu lui diras les résultats. »

— « Alors, que je garde pour moi mes serpents ?

— « Dévore-les ! Chacune doit les manger, seule. Ou, si tu en as trop, je suis là. Invite-moi à ton repas ! »

— « On ne sait jamais si vous parlez, au sérieux.

— « Au sérieux, oui. Au tragique, non. La nature est ce qu’elle est. Il ne sert à rien de protester. Il faut connaître et s’efforcer de gouverner. Si on ne peut pas et si la barque est emportée, alors, il ne reste plus qu’à accepter et, selon les goûts, — prier, — ou rire. »

— « Rire ? »

— « Pourquoi pas ? C’est notre dernière victoire. »

— « Fille de Viking ! »

— a C’est bien possible ! Sylvie me disait, quand j’étais jeune, que j’étais une taure de Normandie. Je me souviens d’avoir brouté les belles prairies, au sortir de la barque qui amenait les guerriers blonds du Nord. »

— « Brouter, prier, rien de ça pour moi ! Rire, je veux bien, mais aux dépens de l’ennemi, en me battant. Non-acceptant ! »

— « Accepte ou non ! Il se moque bien de la permission ! »

— « Qui ? »

— « Celui qui vient. »

Dans son effort pour se relever, afin d’interroger le visage d’Annette, les doigts d’Assia rencontrèrent sur le plancher l’ouvrage d’Annette qui était tombé ; et machinalement, ils le palpèrent, puis s’étonnèrent :

— « Mais qu’est-ce que vous faites ? Un bonnet ? »

Elle regarda.