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aidait, au passage. — Il reçut la grande médaille des épidémies et la croix de guerre.

La guerre achevée (ou, pour un temps, suspendue), il se consacra au relèvement de ce Mezzogiorno, qu’il avait appris à mieux connaître dans ses « gisants », dans ses martyrs. Il ne se contenta pas cette fois de verser la meilleure part des revenus qui lui restaient, à des Associazioni et à des Opère nazionali, qui se chargeaient de leur emploi, sans que ses yeux eussent à voir où allait le don de ses mains : (car l’indifférence trouve son compte, à l’abnégation de la maxime qui demande que la main gauche ignore ce que la main droite a donné) ; il s’installa dans la région même, à Potenza, où des centaines de familles étaient enfouies, comme des vers blancs, sous la terre, dans des « sottani », — des caves, des citernes asséchées, des cavernes. Il s’enrôla dans la croisade pour arracher à leurs sépulcres ces « fils de l’homme », trahis, livrés, abandonnés, pour disputer ce malheureux pays aux trois succubes, aux trois Déesses meurtrières qui le sucent, et que le comte Bruno avait évoquées devant Annette sur la colline, qu’encerclaient d’un halo de lune les vapeurs mortelles des marais : — la Misère, la Fièvre et le Feu de la terre, — et pire que les trois, la quatrième, qui se nomme, selon les cas, l’Acceptation, la Résignation, ou l’Apathie, et qui est l’immobilité torpide sous le poing d’un sort que l’on ne cherche même plus à écarter… « Puisque c’est ainsi, depuis des siècles, ainsi ce sera in saecula… » Ce moyen âge persistait, comme un ulcère, au flanc d’une nation orgueilleuse, qui remâchait alors l’amertume de ses mécomptes de la victoire, et dont les rhéteurs l’incitaient à revendiquer l’héritage de l’ « Imperium Romanum ! » Mais de cet héritage de guerre, de gloire, de conquêtes et d’idéologie boursouflée, une seule part