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violentes, comme un coup de lame, firent tanguer toute la maison ; comme des toiles, les murs des chambres se gonflaient ; les gros soffiti des plafonds se tordaient ; sur les planchers bosselés, les pieds nus chaviraient ; et du dehors monta le tonnerre de la ville et de la mer. Une clameur de Jugement Dernier…

Ce fut l’espace de quelques secondes. En ces instants, l’esprit affolé perçoit le seul hurlement de son épouvante. Bruno comprit qu’il n’était plus temps de s’échapper par l’escalier ; et, criant à sa femme de le suiTe, il se lança vers le balcon : car son instinct, où sommeillait le grain d’une très antique expérience, lui suggérait que quand s’écroule la maison, il faut se tenir, le plus qu’on peut, à l’écorce, afin d’avoir plus de chances d’être retiré des décombres. Mais, tout ce qui lui resta, depuis, à vivre, il se reprocha d’avoir suivi son instinct, au lieu de courir aux autres, pour les rallier et les sauver, ou mourir ensemble. Car aucun n’avait compris son dessein ; et il n’eut pas le temps de le leur expliquer… Dernière image… À la fenêtre voisine, les jeunes seins nus de Gemma, qui lui tendait les bras… Et les pleurs de Sibylle, appelant : — « Papa !… » D’un coup tonnant, l’antique demeure s’effondra. Tout disparut, et la conscience de Bruno…


Il se retrouva — (quand ?) — sur une couchette de navire, qui l’emportait de la côte maudite, — puis, (des éclairs de conscience, très espacés, sortaient de la nuit et y rentraient), dans un hôpital de Naples, après de périlleuses opérations. Il avait eu fracture de cuisse, fracture du crâne, et commotion cérébrale. Il ne pouvait rien saisir du passé. La première chose qui lui en revint, ce fut l’angoisse et la douleur. Mais il ne pouvait les fixer sur aucun point. Elles étaient