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gibier[1]. Elle comprenait et plaignait son garçon ; et secrètement, elle lui soufflait :

— « Courage ! »

Un jour que Assia, seule avec elle, couvait l’orage et s’obstinait dans un mutisme courroucé — (elle était convaincue que Annette ne la comprendrait pas, et — la comprît-elle — lui donnerait tort), Annette, qui semblait ne point la regarder et souriait à un petit bonnet de nouveau-né qu’elle cousait en cachette, à mi-voix, de ses lèvres allongées, flûta :


« El corazon te daré
También te daré la vida,
Y el aima no te la doy,
Porque esa prenda no es mia
 ».


L’oreille de Assia se dressa. Elle avait la facilité slave. Elle saisissait certains des mots :

— « Qu’est-ce que c’est que ça ? »

— « Tu as compris ? »

— « Qu’est-ce que c’est que ça ? »

— « Notre chant de bataille ».

Assia mit sa main sur la main d’Annette.

— « Notre chant ? Le mien ! » — « Redis-le voire en français ! »

Assia, tâtonnant, traduisit, corrigée par Annette :


« Je te donne mon cœur — je te donne ma vie. — Mais mon âme, je ne te la donne pas — car ce trésor n’est pas à moi. »


Elle s’arrêta, saisie, et demanda :

— « Qui a dit ça ? »

  1. Annette et Sylvie.