Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/242

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’excluait point un cœur expansif. Quand sa mère avait parlé, parlé, et lui demandait :

— « As-tu compris ? Qu’est-ce que j’ai dit ? »

George lui riait au nez, en l’embrassant d’un tel élan que la bonne femme n’avait plus le courage de gronder ; mais aucun doute ne lui restait qu’elle avait, une fois de plus, perdu son temps. Si du moins, elle eût pu comprendre ce qui se passait dans cette fille ! Mais tout lui en était une chambre aux secrets ; elle n’en franchissait pas le seuil. Elle ignorait la pensée de George sur ce qui lui tenait le plus au cœur : la religion. George ne faisait aucune objection à suivre sa mère à la messe, dire ses prières, et même, si on y tenait, à aller périodiquement blanchir son linge à confesse : elle y allait, elle en revenait, avec la même bonne humeur insouciante qu’à son collège, ou au tennis ; ses péchés ne lui pesaient pas lourd !… Mais que pensait-elle ? Que pensait-elle de ces paroles qu’elle lisait dans son paroissien, de l’Évangile, de Jésus-Christ et de la Vierge, et de l’Église, et du Bon Dieu, et même de l’après-mort et de la résurrection ? Pas moyen d’en rien savoir ! — La vérité était qu’elle n’en pensait rien. Cela ne l’intéressait point…

— « Oh ! mon Dieu, oui, elle avait bien pensé, comme tout le monde, qu’on mourra. Mais c’est loin ! Et on ne meurt qu’une fois. Au lieu qu’on vit, cent mille fois, à chaque minute de la journée. On n’a pas le temps de s’occuper de la fin. Et à quoi bon ? Qu’est-ce qu’on en sait ?… Oui, justement, il y a l’Église qui vous dit ci. Et il y en a d’autres qui vous disent ça… Moi, je veux bien et ci, et ça. Ce n’est pas mon affaire de discuter ce que je ne connais pas. J’ai trop d’autres affaires qui m’intéressent. Pensez pour moi, si vous y tenez, sur ces choses-là ! Et surtout, ne vous tourmen-