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Même quand ils l’eussent voulu, Assia et Marc n’avaient pas les moyens de flâner, le bec dans le bec, en s’attendrissant sur le va-et-vient du thermomètre de l’amour. Ils avaient à gagner, tous les deux, leurs journées. Marc était au service d’une maison de vente et d’installation d’appareils de radio. Assia faisait des travaux de traductions russes pour une maison d’éditions. Elle traduisait aussi et elle tapait, pour une maison d’exportation, des lettres commerciales. Ils ne se voyaient qu’aux heures des repas et assez tard souvent dans la soirée. Mais le travail n’éteint point « l’autre pensée ». Elle s’accumule dans un réduit sans air, où elle fermente… « L’autre pensée », l’inextinguible aspiration de la caravane qui chemine dans les sables mornes et brûlants, vers la fontaine, dans la nuit étoilée…

— « O nuit ! O source !… Faut-il que je te retrouve tiède, fade et troublée ! Ma soif redouble, inapaisée… »

Ils se reprenaient, chaque soir, avec un frémissement d’attente et un besoin plus dévorant. Ils se déprenaient, insatisfaits — ils n’osaient pas s’avouer : déçus. Mais tandis que Marc s’enrageait à la poursuite et, à mesure qu’elle lui échappait, voulait toujours plus posséder de l’aimée, — qu’il n’y eût plus un recoin de sa