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adieu à la terre ; la patrie était dessus, ou dedans l’Océan.

Un catholique et un Latin, quand il a cru et qu’il ne croit plus, ne jette plus l’ancre dans les flots du Doute, ne s’arrête plus, comme font ceux qui « protestent », ou qui ont « protesté », — il y a bien longtemps ! — chez les Germains et les Saxons. Il va au fond, et il n’y a plus de fond. Il ne se crée point, entre deux eaux, comme ces « Réformateurs » (les bien nommés, qui ne rejettent qu’à moitié !) et comme ces métaphysiciens de la Raison nordique, pure ou pratique, un plancher de bois, suspendu sur l’abîme. Il est seul et nu, et il nage. Il n’est soutenu que par ses membres. Il sait qu’une heure ou l’autre, il coulera. Mais il ne mendiera pas un secours.

Julien s’était jeté dans l’âpre raison désenchantée, qui n’admet aucun compromis. Comme beaucoup de ceux qui ont trop plié sous la foi et sous l’amas des contraintes imposées par la société, il gardait à l’une et à l’autre une rancune, qui dépassait les bornes de la stricte justice. Il n’était pas incapable de le reconnaître ; mais il l’était de renoncer à cette vengeance. Il s’appelait lui-même, amèrement, « Julien l’Apostat ». Et dans ce besoin de représailles, qui ne tarda plus à percer sous ses écrits, il y avait un châtiment contre lui-même, — contre celui qu’il avait été.

On l’entrevit d’abord entre les lignes de ses « Essais philosophiques » ; et ce fut d’abord la religion qui se reconnut visée. Elle le dit trop, elle accusa les coups ; il les redoubla. Et bien qu’après quelques aigres engagements, elle eût jugé plus prudent de se replier et de faire le silence, — (par un merveilleux accord, toute la presse bien pensante ne souffla plus mot des publications de Julien), — la rupture fut définitive ; et les saints échangés avec les vieilles connaissances ne firent