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cet homme. Cette armoire à ranger ne rentrait pas dans ses attributions mobilières.

Aussi, n’eût-elle pas eu vent de la crise, qui le fit, à quarante ans, sortir de la passivité satisfaite, acceptant l’ordre social et religieux des gens dits « comme-il-faut », si des amies bien intentionnées et même son confesseur ne lui avaient appris le devoir que l’on attend d’une épouse chrétienne, quand son époux cause, par son exemple, un scandale d’esprit dans la communauté. Il s’ensuivit quelques interventions éplorées de la femme auprès du mari. L’effet en fut fâcheux pour la paix du ménage, mais sans aucun profit pour l’ordre moral : car la brave Constance n’avait naturellement rien compris au délit de son mari, et ce qu’elle lui en pouvait dire n’était point fait pour y remédier. Il était fort cassant, pour tout ce qui touchait à sa liberté de pensée. Et sur un tel terrain, la sottise de sa femme s’étalait d’une façon si aveuglante qu’il n’eut pas la charité de le lui cacher. Elle-même en eut conscience ; mais comme toutes les sottes, elle ne s’en entêta que plus. Dieu sait comment ils en seraient sortis tous les deux, si le confesseur, plus fin, craignant l’éclat public où risquait de verser la championne maladroite de la religion, ne se fût empressé de lui fermer le bec. À travers son moucharabi, d’où l’épouse ulcérée exhalait son désordre verbal et ses mouchements de nez, il s’appliqua maintenant à calmer le débit incohérent et la funeste bonne volonté de sa pénitente, imprudemment arrachée au béni non-penser. Il fallait l’y faire rentrer. Il n’y eut pas trop de peine : elle ne demandait qu’à être convaincue que Dieu ne pouvait la rendre responsable des écarts de son mari, — qu’à vouloir contredire l’égaré on risquait de l’enfoncer davantage dans sa perversité, — que le mieux qu’elle pût faire était d’offrir à Dieu ses prières pour le salut du malheu-