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(l’occasion reviendrait peut-être de les en ressortir) ; — et elle consentit à reparaître plus souvent au logis du jeune couple. La lierté de ses propos et son humour s’accordaient avec ceux de Assia ; elles riaient toutes deux, à belles dents, tout en sachant que la paix n’était point faite ; mais trêve franche et alliance : elles avaient leur Marc à défendre.

Marc continua donc à vendre et publier des livres et brochures de propagande antifasciste, antiimpérialiste, prosoviétique, progandhiste, etc., sans se décider à prendre position nette entre ces diverses formations de combat, mais en tâchant de se faire le lien entre ces armées et de les amener (rêve utopique) au front unique contre les forces massives de la Réaction. Bien entendu, il n’y arriva pas ; et la seule unité, créée entre ces troupes de Résistants et de Non-résistants, de libéraux et de violents, le fut par la consigne officielle d’écrasement commun, sous la chape du silence. Aucun journal n’en parlait, et l’on n’eût pu trouver une seule des publications dans aucun kiosque de librairie. Mais elles n’en furent pas moins lues et répandues sous le manteau. L’âpre et brûlant génie de Marc, que le combat et la peine avaient mûri, — marié à la verve cinglante de Assia, qui ne signait pas, mais s’accouplait à l’esprit de Marc, — ne furent pas longs à s’emparer d’un public indépendant, qui fit lui-même sa publicité, de proche en proche. C’est la meilleure. Elle s’allume, par-dessus tous les obstacles, comme ces feux sur les collines qui se transmettaient autrefois le signal. Le signal toucha les veilleurs isolés dans les milieux les plus divers et les plus lointains. La correspondance commença à affluer, avec les souscriptions volontaires. Annette se réjouissait de voir grandir le cercle d’action de son fils, sans vouloir voir où cette action le mènerait. Elle n’ignorait point les dangers.