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Une telle décision faisait appel aux plus héroïques énergies et aux plus pures. Mais il y manquait la touche de lumière : la joie qui, seule, auréole l’action. Ce grand effort pour se purifier, pour se sacrifier, pour renoncer, enveloppait le jeune garçon d’une secrète mélancolie. Il la cachait à Assia ; et Assia n’y prenait point garde : car sa nature, dont la substance n’était peut-être pas moins compliquée, mais dont l’épiderme était moins délicat, s’arrêtait peu à ces scrupules de l’action. Elle respectait chez Marc les problèmes qui le tourmentaient ; mais elle le laissait les résoudre, seul. Il suffisait qu’elle acceptât, d’avance, de le suivre dans la ligne d’action qu’il aurait décidée. L’amour faisait confiance à Marc. Mais qu’il choisît, et qu’il agît ! Tout chez cette femme en pleine sève, était action, jusqu’à l’amour. Elle était un arbre tourné vers le soleil, la vie en marche, le flot du jour. Conquérons le jour ! Jour après jour, prenons le jour ! L’introspection n’est plus de saison.

Si Marc voulait faire part à une autre de ses débats de pensée, c’était sa mère qu’il cherchait : déjà sortie de l’action jusqu’à mi-corps, y baignant des genoux à la plante, elle était faite pour comprendre la dualité tragique de son garçon. Elle le voyait passionné toujours autant pour la vie, mais plus tout à fait dupe de cette vie : en l’étreignant, il la jugeait. Et le plein de sa flamme s’érigeait, à travers la vie, vers un avenir, vers un au-delà, qu’il ne voyait pas, mais qu’il voulait et qu’il cherchait, comme un serpent aveugle qui se tend. Le fils parlait peu à la mère de cette vie secrète. Ils l’échangeaient entre eux, par contact. Leur sang ainsi s’établissait au même degré de température ; il atteignait, en commun, son point d’équilibre. C’était le principal bienfait de ces colloques incomplets : car Annette pouvait bien lire dans son