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pondu ; mais le grand enfant, elle le portait toujours dans ses flancs, elle le faisait, elle le couvait, elle le modelait avec sa tendresse et avec son sang… Elle se souvenait des paroles d’Annette, au lendemain de la rupture :

— « Nous sommes la mère. Il nous faut avoir pitié de notre enfant… »

Elle les lui rappela, seule à seule :

— « C’est vrai. Même dans l’étreinte, le sentiment le plus puissant — (le plus obscur ; mais je vois clair en lui, aujourd’hui), — c’est le sentiment d’être la mère. Il est en nous ; et c’est la suprême douceur, de le bercer en notre corps, celui qui nous prend en se livrant, — notre grand enfant. »

Annette dit :

— « Il ne faut pas trop le lui montrer. Une mère sage sait ménager l’amour-propre de son petit, qui se croit grand. Elle doit apprendre la bonne science de lui servir de champ d’expérience, pour exercer contre elle, maladroitement, sa force naissante. Elle supporte avec indulgence ses injustices ; et même elle y goûte une secrète volupté. Celui que nous aimons, notre enfant, nous le faisons homme, il devient homme à nos dépens. Et c’est l’amour. L’amour débute par une blessure. »

— « C’est moi qui l’ai blessé, mon grand. Je n’ai pas été une mère sage. »

— « On n’apprend à l’être qu’après qu’on ne l’a pas été. »

— « Les vierges sages sont, pour vous, les folles de l’an passé ? Vous ne leur auriez pas fermé la porte ? »

— « Je l’aurais fermée plutôt aux sages, qui refusaient de prêter leur huile. Je ne suis pas une bonne évangéliste. »

— « Oui, vous m’avez prêté votre huile, et ma