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— « Je suis ta demeure. Habite-moi ! Je suis déserte, si tu ne me remplis… Ah ! quelle merveille, comme dit Gorki, d’aimer une créature humaine !… Pourquoi celle-ci ? Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est que c’est elle que j’aime. Et son amour me fait revivre d’entre les morts… Et moi, c’est moi, qui l’ai mis en croix. !.. » (Assia, penchée sur le corps de Marc endormi, baisait le coup de lance au côté…) « Que jamais plus je ne le fasse souffrir !… »

Et elle lisait, dans les yeux de Marc réveillé, la même peur de lui faire mal, la même tendre sollicitude. Tous deux, meurtris, étaient sur-le-champ avertis des moindres frémissements qui effleuraient l’épiderme de l’aimé. Ces attentions qui se manifestaient, de mille façons imperceptibles, modelaient le fond de l’âme. Chacun s’efforçait en secret vers ce qui pouvait satisfaire l’autre. Chacun réprimait les tendances de sa nature qui pouvaient heurter celle de l’autre. Ils avaient pris un sentiment d’humilité mutuelle, qui leur était inusité. Il ne s’agissait plus d’avoir raison contre l’autre. Il était meilleur d’avoir tort avec lui. Assia ne cherchait plus à pousser Marc hors de ses limites, ou avant l’heure ; elle cueillait sa joie, en ces jours de « retrouvance », à adapter le rythme de ses pas à ceux de l’ami. Il lui suffisait de savoir qu’ils allaient ensemble…

— « Va à ton pas ! Ne te presse pas ! Je suis avec toi, nous avons le temps !… »

Même si Marc ne pourrait pas, sans forcer sa nature, atteindre au but qui semblait naturel à Assia, Assia ne tenait plus à atteindre au but sans lui. Sa première œuvre, son premier devoir et son bonheur étaient — (son cœur le sentait maintenant) — d’aider l’aimé à réaliser sa nature. Il était son enfant, son vrai enfant, — plus que le petit : — le petit, une fois pour toutes, était