l’esprit. Le vide complet. Pas une trace du passé. Quand elle tâcha de le fixer, de s’y cramponner (elle tombait d’une tour), son sang se figea : tout lui était devenu étranger : cet homme, ce corps qui l’avait touché, le souvenir de ses transports, cette femme nue et livrée, cette Assia… « Aimer… Aimer… » Elle répétait, sans les comprendre, les deux syllabes mortes. Nul frémissement, nul sentiment n’y correspondait… Elle se dit :
— « Je suis folle. Je le sais bien, que j’ai aimé !… »
Mais sa conscience hallucinée lui répliquait :
— « Quoi ?… Qu’est-ce que c’est ? Je ne comprends pas… »
Elle passa des heures d’égarement, accroupie dans son coin, sans bouger. Le soir venait. Une horloge d’église lui rappela que « l’autre » allait rentrer. Elle sursauta. Elle se lava, elle se recoiffa, elle se composa un visage. Au fond de ses yeux, mornes et durs, dans le miroir elle revit le « Rien » ! Elle jeta dessus un voile. Elle ne pouvait pas le montrer nu… Pitié de l’autre, ou peur de soi ?
Il ne remarqua rien — (les amoureux sont pleins de moi) ; — et cet égoïsme aux yeux crevés creusa encore l’aride abîme. La rancune qu’elle en ressentit, déchira le voile jeté sur son regard ; il y plongea et il y vit, stupéfait, le désert. Mais le voile se referma. Il n’essaya pas de le rouvrir. À ses questions, elle répondit :
— « Rien. »
Il se garda d’insister. Il avait peur.
La nuit, il tint dans ses bras un corps mort, un corps qui vivait cependant, qui se prêtait passivement à ce qu’il voulait, — un corps évidé de son être : — celui qu’il connaissait, son bien, n’y était plus. Grâce à Dieu, il ne vit pas un autre être tapi dans l’ombre, dont le regard de glace le guettait. S’il ne le vit pas,