Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/177

Cette page n’a pas encore été corrigée

traversa la rue, et elle entra dans la maison. Elle voulait seulement se rapprocher. Elle attendait, dressant l’oreille, au bas de l’escalier. Quand elle entendrait s’ouvrir au quatrième la porte d’Annette, elle ressortirait. La porte s’ouvrit ; et elle monta. La volonté n’y était pour rien, c’étaient les jambes qui la portaient. Elle montait, comme une somnambule. De réflexion, plus trace. Mais l’ouïe, accrue, était une caisse de résonance, où s’amplifiaient les pas de celui qui descendait. Ils s’aperçurent à mi-chemin. Assia venait de déboucher sur le palier du second étage. Trois ou quatre marches au-dessus, à un tournant raide, Marc descendait. Leur sang s’arrêta ; mais leur pas d’automates ne s’arrêta pas. Au lieu d’attendre sur le palier, Assia dans son trouble continua de monter la vis étroite, qui laissait à deux à peine la place de passer. Ils passèrent, droits, raidis, sans se regarder, se frôlant, près de glisser : Marc était collé au mur, Assia presque suspendue à la rampe. Il ne respirait plus. Elle, bouche fermée, soufflait du nez…

Ils avaient passé… Marc était maintenant sur le palier. Ils se retournèrent ensemble, d’an seul coup. Ils s’élancèrent… Marc empoigna au bas des hanches Assia, qui le dominait de deux ou trois marches. Son visage était à hauteur du ventre, il l’y enfouit, dans ce ventre traître, ce ventre sacré, — son logis, — perdu, repris !… Et Assia, perdant l’équilibre, glissa les marches, se retrouva sur le palier, bouche contre bouche : toutes les digues avaient sauté…

Au bruit de la glissade, à l’étage au-dessous, une porte s’ouvrit. Ils se lâchèrent. Qu’allaient-ils faire ? Où regagner le gîte et disparaître, au fond de l’abîme de la joie retrouvée ? Chez lui ? Chez elle ? Ils n’avaient plus la force de marcher, ils n’auraient pu fendre les bancs de la foule dans la rue. Ils ne voulaient pas