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train grondant, son sang grondait plus fort. Elle répétait :

— « Je ne lui pardonnerai jamais ! »

Elle revit Annette. Elle revit Vania. Elles causèrent de tout, sauf de Marc. Annette se gardait bien de lui en parler : il fallait que l’ombrageuse fût la première à en parler. Et Assia se fût plutôt brisé les dents que de les desserrer sur ce nom. Mais elle revenait souvent chez Annette, et elle cherchait pour revenir des prétextes maladroits ; elle attendait ; elles attendaient, toutes les deux, guettant leurs lèvres. Jusqu’à ce que Vania, qui n’avait pas les mêmes raisons de se taire, et qui peut-être en avait d’être soufflé par la grand’mère, demanda tranquillement, le nez au vent :

— « Et quand tu reviens dormir avec papa ? »

Assia blêmit, rougit, se leva furieuse, sourcils froncés, toute hérissée. Et elle sortit. — Mais, dans l’escalier, elle rit :

— « Le polisson ! Ce ouistiti ! »

Puis, elle pensa que Annette lui avait appris la leçon, et elle s’imposa, pour la punir, de ne plus la voir, de tout un mois. Elle tint bon, huit jours ; après, elle la revit, tous les jours. Mais elle était résolue à ne pas céder.

Marc n’était pas moins entêté. Il acceptait bien de se confier plus intimement à sa mère. En tête à tête, il revenait mélancoliquement sur le passé, et il ne craignait pas d’avouer ses déconvenues, non pas des autres, mais de soi-même, ses erreurs et l’irréparable qu’on a causé. Il y avait de longs dialogues, — que de longs silences entrecoupaient, — tendres, amers, ironiques et détachés, entre le fils et la mère, sur la folie de l’amour qui veut accaparer pour soi un autre être, ses exigences tyranniques, ses violences et ses fureurs enfantines, sa jalousie meurtrière. Quel ridicule et