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Jean-Casimir, perfidement, pour se venger, — (il n’y attachait pas grande importance) — lui communiqua un écho de Paris qui, à propos de la Colombe repêchée dans la Seine, laissait entendre aux initiés qu’elle était tombée non de Charybde en Scylla, mais de l’un à l’autre Rivière. Assia comprit l’allusion, griffa ses paumes :

— « Sale comédienne !… »

Si elle se fût trouvée au Pont Saint-Michel, elle lui eût plutôt tenu le bec sous l’eau,

— « Ah ! tu veux jouer ? Joue donc ton rôle !… »

Elle revint à Paris. Depuis quelques jours, elle hésitait, son paquet fait, elle le défaisait, chaque soir. Ce dernier trait la décida. Elle prit le train. Il lui fallait être, même sans le revoir, plus près de lui. Il ne s’agissait point de rendre les armes ! Dans le train qui la ramenait, elle revisait obstinément le procès, avec une hostilité redoublée. Elle admettait qu’elle avait cruellement blessé Marc ; elle avait accepté de l’épouser, sans rien ignorer de ce qu’il était, de ce qu’il attendait qu’elle lui donnât, qu’elle lui gardât ; elle était résolue, quoi qu’elle pensât, à s’astreindre loyalement, dans leur union, aux limitations morales, sociales, de son compagnon. Elle eût admis que, dans le premier élan de la douleur et de la colère, il l’eût frappée, même qu’il l’eût tuée. Elle était prête : « Ce sont les risques du métier. » comme disait ce roi poignardé. On ne doit pas fuir les conséquences de ce qu’on fait. Mais elle ne supportait pas qu’il l’eût outragée et méprisée. Sa fierté n’en était pas moins blessée que son sens de la justice. Elle ne voyait pas (elle voyait peut-être) que la passion pour elle restait chez Marc toujours égale en violence au mépris, et que ce mépris venait de la passion désespérée. Elle pouvait tout supporter de lui, hors le mépris. En ce moment encore, dans le