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tes fureurs, et tes faiblesses, tantôt enfant, tantôt tyran, et tes caresses, et tes insultes, et tes tourments qui vous harcèlent, qui vous flagellent, et puis qui quêtent un tendre mot pour consoler, qui cherchent mon sein et qui le mordent ou qui le tètent !… Petite brute ! Bien-aimé !… Je me suis vengée… Pas assez !… Mords-moi encore ! Plus fort !… Ah ! que je voudrais te faire crier !… »

Elle l’écrivait, sans s’en douter. Elle le retrouva, sténographié, au milieu des comptes du charbon et de l’acier. Il s’en fallait de peu qu’elle ne l’eût dessiné, — en gros (en maigre) et au détail. Elle en béa, quand s’éveillant, elle revit ses pages cabalistiques ; et, serrant les lèvres, elle se tordit de rire dans son ventre :

— « Marc, mon Marc !… Ah ! ce n’est plus la peine de continuer à me tromper ! Je trompe tout le monde, excepté moi… »

Maintenant, elle devait s’avouer qu’elle aimait tout de lui, même et surtout ce qui de lui l’avait le plus blessée… Sa fière intransigeance, son indépendance même sans action, même sans objet, même sa dureté, maintenant lui paraissaient belles, saines, bonnes à prendre, bonnes même à s’y heurter jusqu’au sang, — quand elle les comparait à toutes ces âmes vaseuses, faites de boue et de crachats…

— « Il me le faut ! Et je le veux. — Mais s’il ne veut plus, lui ?… Raison de plus ! Il ferait beau voir ! Je me passerai de sa volonté… Mais si pourtant il était trop tard ? S’il avait refait sa vie ?… Eh bien, il la défera !… »

Tout de même, elle n’était pas tranquille. Elle ne savait plus rien de lui. Les lettres d’Annette, qu’elle quêtait, lui parlaient d’elle, lui parlaient de l’enfant, ne lui parlaient pas du seul dont elle attendait le nom et les nouvelles ; et elle ne pouvait pas les demander.