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et dont l’obèse artériosclérose prétendait s’opposer au chaos, au désordre, au combat, qui sont la circulation nécessaire du sang du monde. Toutes les souffrances de la défaite, toutes les rancunes de la ruine, étaient habilement captées, disciplinées, mobilisées par les astucieuses puissances rivales ou ennemies de la France, par les cyniques capitalistes allemands exploiteurs de la misère allemande, et par les pêcheurs dans l’eau trouble des convulsions sociales, contre la France seul bouc émissaire, seule mort vivante, seule rendue responsable de l’agonie atroce d’un monde en révolte, qu’elle prétendait lier à son cadavre pourrissant. Et l’imbécile suffisance des Poincaré, des Painlevé, des Herriot et des Tardieu — (tous se valaient en contentement obtus de soi et de sa certitude !) — leur assurance meurtrière de tenir en poche la vérité morte et le progrès ossifié, qu’avaient conquis leurs arrière-grands-pères des Immortels Principes mis en terre — (ce cimetière !) — apportaient de l’eau au moulin… « Meunier, tu dors !… » Le moulin moud le désespoir et la haine. De nouvelles guerre du Droit se préparaient, qu’une nouvelle idéologie alimentait : — Droit à la Vie, Droit au Mouvement, aux Mutations, aux Explosions de la masse humaine comprimée qui fermente, Droit au Chaos…

Le Droit au Chaos était un droit dont l’Allemagne se faisait alors bonne mesure. En tous les temps, le Chaos avait été son élément ; l’esprit allemand s’y complaît, sous prétexte que le chaos renouvelle… « Stirb und werde !… » Mais pratiquement, tout finissait par des organisations militaires. Il lui fallait des bassines dures et des conduites à toute épreuve, où jeter la fonte fumante et la faire servir aux fins des Krupp, des Thyssen, des Hugenberg, des industries et des affaires, qui mènent le monde d’à présent.