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regarda Marc, comprit, soupira et, sans rancune, il le bénit et s’en alla.

Marc avait pitié de Colombe ; mais il ne se sentait pas de remords envers elle. C’était envers une autre qu’il en avait. Était-ce du remords, ou du dépit ? Bien qu’il y eût peu de chances pour que cette autre l’apprît, il était mortifié d’avoir chu dans la même trappe, où son orgueil et sa passion lui avaient donné le droit de toiser d’en haut et de mépriser Assia. Et que ce fût, par-dessus le marché, pour trouver au fond de la trappe, au lieu de colombe, une corneille, il était honteux, deux fois honteux, comme un renard qu’une poule maigre aurait pris. Sa déconvenue, qui l’ulcérait contre Bernadette, lui fit, par ricochet, faire un retour salutaire sur lui-même. Il dut s’avouer qu’il n’était guère autorisé à condamner sans rémission la faiblesse des autres, et qu’homme ou femme, on n’avait rien à se reprocher, on ne valait pas cher ! L’occasion faisait le coupable, plus que la volonté. La pitoyable volonté ! Marc, si fier de la sienne, sentait qu’elle ne pesait pas lourd, quand la grande faim se lève du corps. Pas seulement celle de l’amour. Toutes les folies, toutes les passions, où le trop-plein du sang de l’être monte à la gorge de la conscience et la submerge… — Un seul remède : se servir de ces torrents, comme d’un grand feu qui alimente les hauts-fourneaux ; que le désir, que la passion soient l’éperon qui soulève les forces de l’action ! « Primum agere… » Saine est l’action, et nécessaire. Mais où, l’action ?… Assia avait raison de la chercher, loin de lui.

L’avait-elle trouvée ?