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Marc, après une nuit de sommeil orageux, se réveilla, le corps détendu, le cœur honteux. Le malaise moral s’accommodait moins du bien physique qu’il ne l’eût fait de la maladie. Une anxiété le rongeait. Il n’eut pas le temps de s’y arrêter : réveillé tard, il lui fallait courir au travail, et il ne lut aucun journal. Mais sous-jacente, l’inquiétude flotta, tout le jour, entre deux eaux.

Le soir, tard, rentrant chez lui, il entendit dans le métro deux filles causant d’une danseuse, qui s’était jetée à l’eau. Il acheta, au premier kiosque, il lut, à la lueur d’un fanal, sous la pluie, sur le trottoir miroitant, le fait-divers qui défrayait, pour quelques heures, la badauderie des petits-bourgeois de Paris. Ce qu’il lisait, il l’avait lu, il l’avait vu, pendant le sommeil orageux de la dernière nuit. La Colombe éperdue avait fui, droit devant elle, jusqu’à la Seine ; elle s’était jetée, au pied du pont Saint-Michel. Elle avait été repêchée, portée à l’Hôtel-Dieu, à demi-morte ; ce ne fut que le lendemain qu’on établit son identité. Elle était encore trop en danger pour qu’on pût la rapporter chez elle. Son nom brûla d’un bref éclat, dans les journaux : ce que n’avaient pu ses entrechats, son plongeon l’auréolait d’un feu de Bengale. Et sur les causes