— « Oh ! d’ici là ! » fit Assia. « Je fais ma récolte et je la mange. On s’occupera plus tard de la graine. »
— « Gare que l’été vienne trop tôt ! »
— « Je ne le crains pas. J’aime le feu. »
— « J’y ai passé », dit Annette.
— « Je l’ai flairé », fit Assia, promenant son nez.
« Dans les coins, ça sent encore le roussi. »
— « Le feu est mort. »
— « Vous en jurez ? Je m’en vas remuer les cendres ! »
— « Non, non, non, non !… Je ne tiens pas à recommencer. Chacun son tour. À vous le feu ! Ménagez-le. »
— « Y en a toujours ! »
Annette avait ses doutes. Mais il n’est point prudent de les exprimer. Les jeunes gens savent tout, mieux. Que le Dieu du feu veille sur eux ! On n’y peut rien. Il n’entend point. Il n’a ni oreilles, ni yeux. Il n’a qu’une langue, point pour parler, — pour darder : — elle ne laisse rien qu’elle n’ait consumé. Il est affamé. Il faut sans relâche lui apporter d’autre aliment. Marc et Assia en avaient plus qu’Annette ne le soupçonnait. Les cœurs continuèrent de brûler, des mois encore, après le grand feu de joie du commencement. Ils avaient repris la vie de travail quotidien, les paupières baissées sur la flamme du désir ; mais aussitôt qu’ils les relevaient, elle flambait ; leurs yeux goulus se mangeaient, comme ceux du couple de la Farnesina. Ils semblaient ne devoir être jamais rassasiés…
Et puis, du jour au lendemain, le feu s’éteignit. Et ce fut la nuit…