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faiblesse ; elle s’intéressa au costume que l’amoureuse porterait, ce soir ; elle en discuta posément les détails ; et elle recommanda à la Colombe de ne pas, surtout, arriver avant l’heure : il était mieux de se faire attendre. Colombe partit, le cœur gonflé de reconnaissance. Tout était beau, tout était bon, le ciel, la terre, les hommes et Dieu. Et le plus beau, le plus bon, le bien-aimé qui l’attendait, ce soir… Elle riait toute seule dans la rue ; et sous l’étreinte, les yeux perdus, elle pâmait déjà, comme Danaé…

Marc n’avait point « prié, prié… » Il s’était laissé arracher par le suçoir de ces beaux yeux d’âne pareils à ceux de la Fornarina l’invitation à venir le voir dans son taudis. À force de la lire écrite dans ce regard, il avait fini par dire les mots, qu’à peine sortis, elle avait happés encore tout chauds. Ils étaient dits. Il était trop tard pour les lui reprendre. Mais il était mécontent de lui. Il avait voulu sincèrement se refuser à cette aventure, que cependant dès le premier jour il prévoyait. Il eût tenu à conserver contre Assia l’avantage de la fidélité, même sans raison, pour avoir plus de raisons de la mépriser. Et il n’était pas sans évaluer les dangers de gages donnés à l’avidité sensuelle et romanesque de la belle ânesse du Transtévère. Gare à qui elle s’attache ! Elle l’attache. Il était bien résolu à ne pas se laisser river ; et le soir encore, l’attendant, il se dupait en s’assurant qu’il n’irait pas au delà d’une sage conversation. En se défendant, il se croyait tenu de la défendre : car son aîné, et l’ayant connue enfant, il s’attribuait à son égard certains devoirs. Il se répétait même (c’est du toupet !) la leçon qu’il se proposait de lui faire. Mais il perdait le fil, en se la disant ; il était distrait. Il comptait les quarts à l’horloge de l’église voisine ; et il ne pouvait rester assis… Il reprenait, pour la dixième fois, la phrase de prude accueil