Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/154

Cette page n’a pas encore été corrigée

— « Fais, ou ne fais pas ! Mais ne dis pas !… Est-ce que je dis, moi ? »

Elle ne trouvait, pour déversoir, que son frère Ange, le séminariste. Le bon garçon en entendait, des confessions ! Mais c’était, ou ce devait être son métier : il faut s’y faire ! Il s’y faisait. Il était d’ailleurs habitué, depuis l’enfance, à recevoir ces confidences. Et il en était, dans leur candeur et leur confiance, de toutes couleurs. Celles d’aujourd’hui avaient beau l’effaroucher, il écoutait, recueilli, avec patience, avec pitié : car il connaissait trop bien sa Colombe, pour ne pas reconnaître en ses erreurs et en ses hontes la même candeur ; et s’il eût eu l’absolution à donner, il l’eût versée à pleines mains sur son plumage maculé ; faute d’eau lustrale, il versait sa tendresse et le baume de ses homélies, auxquelles la petite danseuse mêlait dévotement son roucoulement mouillé de sanglots.

Mais le confesseur n’était pas toujours disponible. Il faisait retraite. Puis, ordonné, il fut nommé dans une cure de province. Et la Colombe, qui n’était pas douée pour écrire, dut garder pour elle ses infortunes. Il n’est pas sûr que le pieux Ange ne s’en soit pas senti bien soulagé. Il continuait de lui envoyer, de loin en loin, des consolations par la poste. Mais pas plus qu’elle, il n’avait l’art, tout simple, de parler en écrivant. Parler, écrire, pour lui, étaient deux hommes. Celui qui venait à Colombe par la poste était fleuri et onctueux, un saint prêtre plein de la parole de Dieu. Colombe lisait religieusement, et elle faisait, après, le signe de croix. Mais elle avait froid. Elle attendait, il lui fallait, pour la réchauffer, la parole de l’homme. Ses bras, aussi, et son étreinte…

La catastrophe conjugale de Marc, que Bernadette lui confia, la bouleversa, comme si elle était sienne. Plus d’une nuit, elle la retourna sur son oreiller brûlant.